L'ISIS et l'asie centrale - extract 2

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L’Asie centrale est loin d’être la première région pourvoyeuse de djihadistes au bénéfice d’ISIS, même si le président russe M. Poutine parle de 5 000 à 7 000 combattants originaires de l’ex-URSS (incluant donc le caucase) étant partis pour le djihad aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afghanistan . La présence de ces djihadistes dans les provinces afghanes à la frontière du Turkménistan comme du Tadjikistan était perçue jusqu’à présent comme une menace prioritaire contrairement à ceux partis vers le Moyen-Orient : en effet, l’ex-mouvement islamique d’Ouzbékistan, fort de 1 000 combattants aguerris, délocalisé en Afghanistan avait déclaré son soutien dès 2014 à ISIS et conduisait des opérations dans les pays limitrophes d’Asie Centrale . Mais l’attentat récent à Saint Petersbourg comme les récents meurtres et attaques qui l’ont précédé, pourraient changer la donne . II. Résistance et influence

L’Asie centrale est loin d’être la première région pourvoyeuse de djihadistes au bénéfice d’ISIS, même si le président russe M. Poutine parle de 5 000 à 7 000 combattants originaires de l’ex-URSS (incluant donc le caucase) étant partis pour le djihad aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afghanistan . La présence de ces djihadistes dans les provinces afghanes à la frontière du Turkménistan comme du Tadjikistan était perçue jusqu’à présent comme une menace prioritaire contrairement à ceux partis vers le Moyen-Orient : en effet, l’ex-mouvement islamique d’Ouzbékistan, fort de 1 000 combattants aguerris, délocalisé en Afghanistan avait déclaré son soutien dès 2014 à ISIS et conduisait des opérations dans les pays limitrophes d’Asie Centrale . Mais l’attentat récent à Saint Petersbourg comme les récents meurtres et attaques qui l’ont précédé, pourraient changer la donne . Concernant les départs vers le Moyen-Orient, la brigade Shishani Jamaat, commandée par un tchétchène, est largement connue pour accueillir les volontaires originaires d’ex-URSS. On trouve également d’autres groupes comme le Jamaat Adama, le Jamaat Akhmada, l’Abu Kamil Dagistanis et le Central Asia jehadis .

départ vers les territoires d'ISIS

Malgré le retrait de l’ISAF d’Afghanistan, les hésitations de la nouvelle administration américaine en matière de politique étrangère et les ambitions russes et chinoises en termes de zone d’influence, la région demeure une zone d’importance, ne serait-ce que par les richesses en matières premières. L’aide occidentale se concentre sur un partage des renseignements, source vitale pour la gestion des menaces terroristes . De plus, les Etats-Unis, de par le National Defense Authorization Act, section 1004, soutiennent les forces de sécurité étrangères impliquées dans la lutte contre le narcotrafic et le crime organisé transnational : ce sont les forces spéciales qui sont en charge de la formation. En 2016, les Etats-Unis avaient prévu de former 1 157 soldats des forces de sécurité de pays étrangers . Durant les deux dernières années, les forces de sécurité tadjikes ont été les bénéficiaires de la plupart des formations militaires proposées. Cependant, les dépenses des programmes d’aide militaire envers les pays d’Asie Centrale de la part des Etats-Unis ont baissé de 294 M$ en 2012 à 115 M$ en 2015. La continuité du régime démocratique au Kirghizistan, malgré un rapprochement avec la Russie, et la situation politique en Ouzbékistan suite à la mort du président Karimov, peuvent faire espérer au CENTCOM (United States Central Command des opportunités nouvelles de coopération . La Fédération de Russie, elle, s’engage notamment à travers l’OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) pour garantir notamment la sécurité des frontières (comme vu précédemment) par le biais de forces militaires conjointes et le partage des renseignements. Par ailleurs, au-delà de la menace terroriste sur le sol même de la Fédération de Russie, il est probable que les immigrés radicalisés originaires d’Asie Centrale opteront à moyen terme pour des actes de djihads dans leurs propres pays qu’au Moyen-Orient, ce que la Russie, avec l’aide des pays d’Asie Centrale, cherche à empêcher. A court terme, l’Asie Centrale ne semble pas une priorité pour ISIS : l’allégeance de l’ex-IMU a été en partie ignorée en 2014 et depuis, il n’y a pas eu de véritable volonté d’établir un « Etat Khorasan » réel dans la région. Dans la stratégie de communication, la région est souvent absente, sauf quelques mentions comme le film de soldats enfants kazakhs en train de s’entrainer ou la vidéo d’un ancien commandant des forces spéciales tadjiks ayant rejoint les rangs de l’organisation et c’est assez compréhensible puisque la communication d’ISIS vise avant tout à séduire les populations du Moyen-Orient et d’Europe avec des thèmes très méditerranéens (colonisation, guerre Occident-Orient, pillage des matières premières et problème israélien). Suite aux attentats récents en Fédération de Russie et en Suède, l’immigration originaire d’Asie Centrale, déjà source de tensions identitaires, va devenir un sujet d’attention particulier. Les 4 et 5 avril 2017, pour un de ses premiers déplacements à l’étranger, le président ouzbek M. Mirziyoyev s’est rendu à Moscou pour discuter de l’émigration économique . Alors que le précédent président ouzbek en 2013 avait qualifié les émigrés économiques de « fainéants » et de « honte pour le peuple ouzbek », l’actuelle présidence veut s’engager dans une clarification du processus de l’émigration économique, notamment concernant les emplois de courte durée en Russie. A noter que selon la banque centrale russe, les transferts d’argent de Russie en Ouzbékistan ont atteint un record de 2,74 milliards en 2016 . 44% des permis de travail délivrés en Russie durant l’année 2016 l’ont été en faveur d’émigrés ouzbeks. Depuis l’indépendance en 1991, la quasi-totalité des pays d’Asie Centrale ont connu une émigration continue à destination de la Fédération de Russie et dans une moindre mesure à destination de la Turquie . Cependant, il est important de noter - ainsi que vu précédemment concernant le nombre de djihadistes originaires de la région - qu’en immense majorité, les émigrés économiques luttent pour l’obtention d’un emploi de courte durée et envoient une grande partie de leurs salaires à leurs familles restées au pays, et ne sont que peu réceptifs au départ pour le djihad dans les territoires contrôlés par ISIS.

processus radicalisation

Le niveau de vie des populations d’Asie Centrale demeure très bas et l’investissement dans les domaines de la santé et de l’éducation restent faibles (le Tadjikistan se place en 133ème position dans le monde pour l’éducation alors que le Kazakhstan qui est le meilleur élève de la région se place à la 70ème position). Les populations émigrent de par la difficulté de survivre dans ces conditions mais ne se radicalisent pas. Ainsi, il n’y aurait pas de lien fondamental entre pauvreté (et pour aller plus loin, autoritarisme des Etats) et forte mobilisation de la population en faveur de groupes terroristes ou recrutement plus affermi en faveur d’ISIS. De plus, l’utilisation d’internet reste à des niveaux bas et la propagande d’ISIS utilisant fortement les réseaux sociaux se confronte à cet obstacle dans la région. Enfin, la religion de la population des pays d’Asie Centrale est en majorité l’islam sunnite (82,4 % de sunnites, 5% de chiites). La région a subi une forte influence des confréries soufies : le mausolée du fondateur de l’ordre de Naqshbandi (mouvement soufi) se trouve près de Boukhara (Ouzbékistan) où il est né au XIVe siècle . Cependant, les populations de cette région sont loin d’être réceptives à la propagande d’ISIS pour deux raisons principales : la rhétorique d’ISIS contre les chiites n’a que peu de prises puisque les chiites ne sont que peu présents dans la région (sauf au sud du Tadjikistan) et conceptuellement, les schémas de pensées des populations sont éloignées des problèmes du Moyen-Orient ou même d’une idéologie panislamique.

III. Axes de développement et solutions

La sécurité de la région concerne tous les acteurs régionaux qui dans le cadre de multiples organisations pourraient apporter leur soutien dans tel ou tel domaine. Afin de réduire la menace terroriste – mais criminelle également –, les Etats-Unis et l’Union Européenne ont lancé des programmes d’aide économiques et de soutien au développement, mais qui nécessitent d’être renforcés. L’Inde également souhaite s’investir après avoir profité de quelques opportunités de coopération économique en Afghanistan. Pour l’Inde, les djihadistes de langue russe ou turque ne sont pas une menace directe pour elle, mais le problème pourrait s’avérer sérieux si des connections se font avec les groupes terroristes de la région du cachemire. L’Iran comme la Russie pourraient apporter leur financement et leur soutien au développement d’une éducation religieuse de qualité en Asie Centrale. En effet, l’enseignement dispensé aux élèves des madrasas s’avère généralement peu adapté au marché du travail. La Chine, elle, se lance dans d’immenses chantiers afin d’acheter la paix sociale avec le plein emploi, notamment dirigés vers les jeunes . Dans le cadre de la Nouvelle Route de la Soie, des opportunités s’offrent à la Chine pour développer de manière exponentielle les investissements économiques, notamment dans le domaine des infrastructures, et réduire la menace extrémiste qui pourrait forger des alliances avec la résistance ouïgoure. Des tensions subsistent car la Chine s’appuie sur une main d’œuvre non qualifiée d’origine chinoise, mal vécu par les populations locales . L’ISIS n’a pas de structure organisée en Asie Centrale ou dans la région (de nombreux groupes ne sont pas unis : Talibans, ex-IMU,etc…). Il est possible qu’il s’organise dans le futur, c’est pour cela qu’il est utile de lutter contre la mauvaise gouvernance, de soutenir les réformes (comme celle concernant la police en Ouzbékistan en 2017). L’administration rurale doit être structurée et réformée avec l’aide de programmes conjoints tout en s’appuyant sur les liens claniques pour lutter contre l’émergence potentielle ou réelle. Cela permettrait d’augmenter le niveau de vie de la population locale .

En conclusion, le terrorisme central asiatique lié à ISIS tend à se disperser au gré des diasporas fragilisées par un contexte socio-économique défavorable dans leurs pays d’accueil, mais ne parvient pas à s’implanter durablement dans leur région d’origine. Demeure l’interrogation de la coagulation des différents groupes terroristes locaux avec l’ISIS qui pourrait apparaitre comme une menace sérieuse pour la cohésion des Etats d’Asie centrale.

IV. Etude de cas par pays

 Comparaison des départs vers les territoires ISIS par pays et comparaison avec des pays d’Europe ou du Moyen-Orient

Comparaison des départs vers les territoires ISIS par pays et comparaison avec des pays d’Europe ou du Moyen-Orient

Au Kazakhstan, les volontaires au djihad sont de pratique religieuse salafiste et non hanafi. La Tablighi Jamaat est le groupe recruteur principal sur place . Au Kirghizistan, les volontaires sont souvent des hommes seuls et sans antécédents. Au Tadjikistan, les volontaires au djihad sont souvent issus du même village, du même clan. Beaucoup ont été tués en Syrie-Irak. Les volontaires d’Ouzbékistan se dirigent majoritairement vers le front Jabhat Al-Nosra et plus récemment vers l’ex-IMU.

 Motivations principales des djihadistes originaires de la région Motivations principales des djihadistes originaires de la région

Au Kazakhstan, la radicalisation sur le thème des inégalités sociales s’avère être en partie féminine. Au Kirghizistan, la radicalisation religieuse se forge sur une utopie d’établissement d’un vrai Etat islamique et sur la répression que subit l’ethnie ouzbek dans le pays. Le Tadjikistan est très divisé ethniquement (sunnites ouest, chiites est-sud). Le retour des combattants est réprimé par des peines d’emprisonnement très longues. Au Turkménistan, l’identité clanique et étatique reste solide. Le recrutement se fait auprès de personnes marginalisées dont les liens claniques sont moins forts.

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